Esprit olympique, où es-tu?... A six mois presque jour pour jour de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Pékin, les autorités chinoises ont pris un risque calculé en inculpant d'"incitation à la subversion" l'un des dissidents les plus connus internationalement, Hu Jia.
En résidence surveillée pendant l'essentiel de 2007, en compagnie de sa femme Zeng Jinyan et de leur bébé de quelques mois, Hu Jia, qui est agé de 34 ans, a été arrêté le 27 décembre. Son inculpation a été signifiée à ses avocats qui, pourtant, n'ont pas été autorisés à voir leur client depuis l'arrestation de cette personnalité emblématique de l'embryon de société civile chinoise, acteur d'un mouvement pour les droits civiques.
Le plus étonnant est que, selon Li Fanping, l'un de ses avocats, le procès de Hu Jia pourrait avoir lieu au mois de mai, c'est-à-dire à quelques semaines de la tenue des JO dans la capitale chinoise. Comme si la Chine se sentait suffisamment sûre d'elle pour assumer ouvertement cet acte de répression, sans redouter les réactions internationales. De fait, elles ont été jusqu'ici très soft (soyons clair : tout le monde s'en fout !)
Depuis des mois, Hu Jia et sa famille sont soumis à des pressions policières constantes et une surveillance permanente des autorités. Ci-dessous des vidéos sur la surveillance tournées par Hu Jia lui-même.
L'immense majorité des Chinois n'a jamais entendu parler de Hu Jia qui n'a pas accès aux médias de masse comme la télévision ou la radio. Son inculpation intervient de surcroit au moment où les Chinois célébrent le nouvel an chinois et le passage à l'année du rat, une fête assombrie cette année par les immenses difficultés dûes aux intempéries, privant de transport des millions de migrants, et coupant l'électricité dans de nombreuses régions. Un bon moment, en quelque sorte, pour un sale coup.
Ce matin-là, Zeng Jinyan a failli marcher sur la tête d’un homme qui ronflait sur le palier, l’oreille collée à sa porte. Quelques étages plus bas, d’autres cerbères, avachis dans de vieux fauteuils défoncés, l’attendaient dans un cercle de mégots et d’emballages de fast-food. Zeng Jinyan, enceinte de sept mois, est montée dans sa petite voiture. Deux berlines noires aux vitres fumées ont démarré aussitôt et l’ont filée jusqu’à l’hôpital de Pékin. Pendant la consultation, quatre hommes sont restés dans la salle d’attente. Un dispositif plutôt léger, pour une fois. «Mi-septembre, mon mari devait m’accompagner, malgré l’autorisation spéciale du ministère de la Sécurité publique. Ils se sont mis en travers de l’escalier, les bras en croix. Il a fallu parlementer des heures. Au final, 12 policiers en civil, prêts à intervenir si nous faisions un pas de côté, nous ont suivis jusque chez le médecin. Un véritable cortège officiel !» Au supermarché, au jardin public, au bureau de poste, Zeng Jinyan ne peut faire un pas sans escorte. Son mari, Hu Jia, assigné à résidence, ne peut sortir sans une permission exceptionnelle de la police. Les visiteurs sont filtrés, fichés, leur téléphone est sur écoute, leurs mails sont décryptés.
Zeng Jinyan, 24 ans, et Hu Jia, 34 ans, sont pourtant des citoyens presque ordinaires. Ils vivent à Bobo Freedom City, une résidence tout ce qu’il y a de plus calme entre ville et campagne aux portes de Pékin. Leur seul tort est de s’être engagés pour les droits de l’homme, dans une dictature qui n’admet aucune liberté d’expression et traque les défenseurs du peuple comme des criminels.
Petit, pâle, frêle, le regard calme derrière ses lunettes, Hu Jia raconte d’une voix égale : «Cela dure depuis 2002. On ne m’a rien dit, ni quand cela a commencé, ni quand cela s’arrêtera. Officiellement, je ne sais pas ce qu’on me reproche. Un beau jour, les policiers disparaissent. Puis ils reviennent, je ne sais jamais pourquoi. C’est parfaitement illégal, ils le reconnaissent d’ailleurs tout à fait cyniquement. Mais c’est comme ça.» Leur relative liberté n’est due qu’à leur notoriété internationale. «Ma chance est d’habiter Pékin et d’être connu à l’étranger. Un inconnu qui ferait la même chose que moi, mais en province, serait parti pour vingt ans en prison.».
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A deux reprises, Shanghai (6 et 13 janvier) vit défiler des Centaines d'opposants à l'extansion de la ligne Maglev entre les 2 aéroports : petits bourgeois craignant la dévaluation de leur bien, suite à la pollution sonore et éléctromagnétique. Organisé, ce lobby inédit a désarçonné les autorités et obtenu l'ouverture d'un débat public. C'est le même scénario qu'à Xiamen en décembre, suite aux manifestations de 10000 habitants hostiles à l'instalation d'une centrale chimique.
A Dongnangang (19 décembre), 1000 fermiers proclamèrent la réappropriation de leur terre confisquée 13 ans plus tôt. Peu après, circula une lettre explosive, parlant pour 40000 fermiers spoliés, qui annonça la fin de la propriété collective. L'état réagit très vite, et condamna le leader Yu Changwu à 2 ans de camp.
Comme on le voit, la dissidence traditionnelle, intellectuelle est relayée par celle des petits bourgeois, et celle des paysans. Contrairement à la première, elles n'ont rien de politique, mais visent la défense de leurs biens contre l'arbitraire, et la corruption. Et contrairement à la première, elles cherchent des formes de lutte plus efficaces et inextripables. Enfin, ce seul détail peut expliquer la tension du régime : tel un cancer, le chancre de la dissidence se généralise, et recrute désormais parmi toute la population, et sur tout la territoire.