lundi, avril 16, 2007

Hygiène du chinois

En chine, ne vous avisez surtout pas de vous promener le long d'une voie de chemin de fer. Ou alors, munissez-vous d'un casque de chantier. Un coup d'oeil à vos pieds et vous comprendrez pourquoi : chaque train déverse son lot de détritus et de bouteilles vides en verre qui explosent dans la nature. Tout balancer par la fenêtre est en effet une habitude culturelle. A tel point que des campagnes de sensibilisation étaient régulièrement lancées à la télévision. Du genre : “Si vous jetez une bouteille du 30ème étage de votre immeuble et que quelqu'un se la prend sur la figure, ça peut lui faire mal et donc ce n'est pas bien !

Si tous les hommes normalement constitués expirent du gaz carbonique, les chinois, perfectionnistes, y ajoutent la salive "usagée". A moins de vouloir humidifier ses chaussures ou son bas de pantalon, il est donc dangereux de marcher à côté d'un chinois sans son parapluie : les crachats fusent de toute part ! Heureusement, la nature est bien faite et chaque crachat est précédé d'un élégant raclement de gorge. C'est le signal pour changer de trottoir.
A l'intérieur des bâtiments, cette habitude n'est pas sans poser quelques problèmes. Les propriétaires délicats font parfois apposer un écriteau “Ne pas cracher”. A cet égard, la traduction en anglais m'apparaît superflue : cette coutume n'est de toute évidence pas exportable. Même chose pour le “Prière de ne pas uriner” aperçu dans un ascenseur.

Les chinois sont bien conscients de leur mauvaise attitude, du moins à posteriori : une remarque suffit à leur faire retrouver un sens civique minimum. Les campagnes d'éducation lancées à la télévision n'y sont sans doute pas pour rien. On y voit tout d'abord des chinois s'exerçant à leur activité favorite : décorer nonchalamment les trottoirs. Soudain, une petite fille se baisse pour ramasser une peau de banane sous le regard horrifié de sa maman. Mais elle comprend rapidement (elle avait du lire le scénario) : sa fille court la mettre dans la poubelle la plus proche. La scène finale tient de la science fiction : tous les chinois ramassent leurs détritus; la rue devient nickel; les passants sourient d'extase ! Le slogan officiel : La ville est propre. Les habitants sont en bonne santé.

En attendant que le bourrage de crâne fasse son effet ou qu’ils décident d'appliquer une politique plus coercitive, revenons à la réalité. Tout comme le petit poucet, le chinois laisse systématiquement trace de son passage. Impossible de se perdre en montagne ou dans la forêt : les détritus guident les promeneurs. Le chinois a besoin de garder un contact visuel avec la société de consommation. Les poubelles chinoises sont donc souvent ouvertes ou trouées : avec un peu de chance ou d'habilité, ce que l'on jette d'un côté ressort de l'autre.

Dans les villages chinois, c'est encore mieux : chaque maison possède sa décharge. Ou plutôt ses décharges; une par fenêtre ! Pas de jaloux ! De temps en temps, on ramasse pour déverser chez le voisin ou sur les voies communes.

En 1937, Lin Yutang notait dans son ouvrage référence "La Chine et les chinois" l'absence de sens et de discipline sociaux de son peuple et reprochait à Confucius d'être à l'origine de l'égoïsme chinois. C'est, selon l'auteur, parce que Confucius “omit d'inclure parmi les rapports sociaux ceux de l'homme envers l'étranger”, "étranger" signifiant ici "hors du cercle familial", que des voisins se balancent des ordures à la figure. En dehors de ma famille et de mes proches amis, point de salut et chacun pour soi ! Le taoïsme, la doctrine de Laozi qui prône le "non-agir" , la non intervention dans le cours naturel des choses (entre autre) a sans doute aussi sa part de responsabilité : a quoi bon se plaindre si le voisin déverse ses ordures devant ma porte... Laissons le faire et faisons pareil ! Suivons le cours des choses... ne nous embarrassons pas d'aller jusqu'à la poubelle !

Des traces de pieds sur le rebord de la cuvette des toilettes ? Pas de doute : un chinois de la campagne est passé par là ! Ne sachant comment utiliser cet objet barbare surélevé mais ayant repéré la source d'eau chaude, il en a entrepris l'ascension et s'est accroupi dessus, en équilibre instable. Après, il convient de bien viser. Mais à ce jeu là, les chinois ont de la pratique : un trou dans le sol, c'est tout ce qu'ils demandent pour satisfaire leurs besoins naturels.
Lorsque le trou est cimenté, de temps en temps alimenté en eau et cloisonné à mis hauteur, vous venez de faire connaissance avec les toilettes publiques. Elles sont facilement identifiables : à l'odeur d'abord, puis parce qu'un "homme-pipi" se charge de vous alléger de quelques centimes. La visite est payante ! Des toilettes individuelles à la turc ? Le luxe de quelques privilégiés. Des toilettes à l'occidentale ? Vous êtes sur la case hôtel ou riche particulier. Mais pour un véritable choc culturel, le mieux est de se rendre dans les campagnes chinoises et de suivre l'essaim de mouches. Pas de ticket d'entrée : aussitôt entré, vous avez envie d'en sortir ! Mais dame nature étant souveraine, vous êtes bien obligé de subir. Il ne fait vraiment pas bon être constipé en Chine !

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