jeudi, novembre 15, 2007

Les 36 stratagèmes

Voici quelques extraits d'un livre que je viens de terminer : Les 36 stratagèmes.
En 1939, sur un marché de Chine du Nord, un Chinois découvre un livre de recettes d'immortalité. A la fin de l'ouvrage se trouve un court traité:
Ce recueil gardé secret jusqu'au 20e siècle date probablement de l'époque de la Dynastie des Ming (1366-1610). C'est un catalogue de toutes sortes de techniques de ruses, chacune accompagnée d'un commentaire théorique inspiré du Livre des Mutations (Yijing) et des exemples. Les techniques de ruses permettent de faire face à toutes les situations conflictuelles, et de l'emporter sur l'adversaire, jusque dans les batailles presque perdues. C'est aujourd'hui l'un des traités militaires les plus lus avec
"l'art de la guerre" de Sun Tzu .

Je vous livre ici de petites histoires à titre d'illustration, si vous voulez pousser plus loin la réflexion, lisez le livre.
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"Tchang Hsiun, assiégé dans Yong-hou Tch'ao, confectionna plus d'un millier de manequins en paille, les revêtit de vêtements noirs et les fit descendre le long de la muraille à l'aide de cordes. L'armée de Tch'ao décrocha contre eux une pluie de traits, si bien que les assiégés purent recueillir plus de cent milles flèches. La nuit suivante, Tchang répéta l'opération; les assiégeants se contentèrent de ricaner sans prendre aucune mesure de précaution. Tchang envoya cinq cents hommes résolus semer la désolation dans le camp ennemi, brûler ses tentes et pourchasser les fuyards sur plus de dix lieues."
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"Alors que Kong Jong se trouvait assiégé, son général T'ai-che Ts'eu devait traverser les lignes ennemies pour chercher des renforts. Il imagina le plan suivant : la cravache à la main et l'arc en bandoulière, il sortit des portes escorté de deux autres cavaliers qui portaient les cibles, provoquant la stupeur tant parmi les assiégés que les assiégeants. Il gagna les remblais en bas des murs, y fit dresser les cibles et s'exerça au tir. Les flèches du carquois épuisées, il rentra dans la ville. Le lendemain il répéta l'exercice; seule une moitié des assiégeants se leva pour le regarder. Après plusieurs jours de ce manège, plus personne ne fit attention à lui. Un beau matin, ses préparatifs achevés et son déjeuner expédié, il enfourcha son cheval, piqua des deux et traversa les lignes adverses au grand galop. Avant que l'ennemi ait repris ses esprits, il était déjà loin."
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"En -354 le Wei attaque le Tchao et met le siège devant sa capitale, Han-tan. Le Tchao aux abois appelle à l'aide le Ts'i. Le général en chef des armées du Ts'i, T'ien Ki veut se porter directement au secour des assiégés, mais Sun Pin qui le seconde en qualité de maître de stratégie l'en dissuade en lui faisant valoir que le Wei a envoyé ses meilleurs troupes hors des frontières agresser le Tchao, ne laissant au-dedans que des vieillards et des enfants harassés. La meilleure solution consiste à fondre sur la capitale, Grand-Pont, coupant ainsi les lignes de communication et occupant l'espace laissé vacant. L'adversaire sera contraint de lâcher le Tchao pour porter secours à son territoire menacé. Par ce seul mouvement non seulement Han-tan sera libéré mais encore un coup sévère sera porté au Wei. T'ien Ki suit le plan de son conseiller. L'armée du Wei est obligée de lever le siège; les soldats du Ts'i engagent le combat à Kouei-ling et lui infligent une sanglante défaite."
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"Le roi du Wei offrit au roi de Tch'ou une fille ravissante, dont il ne manqua pas de s'éprendre. Connaissant ses sentiments, son épouse, Dame Tcheng, lui manifesta l'amitié la plus vive, renchérissant sur le roi. Elle lui faisait don de ses plus beaux vêtements et de ses bijoux les plus précieux, la laissant choisir ceux qui lui plaisaient. Et le roi, ravi, disait: "Ah, sachant quel amour je porte à la nouvelle concubine, ma femme veut l'aimer plus encore que je ne l'aime ! N'est-ce pas admirable, c'est là l'attitude d'un fils pieux qui sert ses parents, d'un ministre loyal qui se dévoue pour son seigneur !".
Une fois sûre de n'être jamais soupçonnée de jalousie par son seigneur et maître, Dame Tcheng dit perfidement à sa rivale: "Le roi vous adore; mais votre nez lui déplaît. Quand vous vous présentez à lui, mettez donc la main devant pour le cacher; ce geste vous attachera le roi à jamais."
La pécore s'empressa de suivre le conseil de l'épouse. Chaque fois qu'elle se trouvait en présence du souverain, elle se mettait la main devant le nez. Le roi intrigué s'en ouvrit à sa femme:
- Pourquoi donc la nouvelle épouse se couvre le nez avec la main chaque fois qu'elle me voit ?
- Je ne saurais vous le dire.
Pressée par son époux, la rouée finit par lâcher:
- Elle dit que votre odeur l'incommode.
Le roi s'emporta:
- Alors, qu'on lui coupe le nez !
Comme Tcheng aux-belles-manches, de peur que le souverain ne revienne sur sa décision, avait au préalable chapitré les gardes pour qu'ils exécutent sans délai tout ordre de leur maître, ceux-ci s'empressèrent de sortir leurs épées et de trancher le nez de la favorite."
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"Le roi Tch'eng de Tch'ou avait désigné le prince Chang-tch'en pour lui succéder. Il voulut lui substituer Tche, Chang-tch'en en eut vent, sans en avoir le preuve formelle. Il appela donc son précepteur, P'an Tchong et lui demanda:
- Comment s'en assurer ?
- Manquez donc de respect à la soeur du roi, Dame Kiang-mi, à l'occasion du prochain banquet.
Le prince suivit son conseil.
- Grossier personnage ! s'exclama la tante outragée, le roi a bien raison de vouloir te remplacer par Tche !
"C'est donc vrai", se dit Chang-tch'en.
P'an Tchong demanda:
- Etes vous prêt à servir Tche s'il est nommé à votre place ?
- Pas question.
- Etes vous prêts à vous exiler ?
- Non !
- Et à accomplir un acte grave !
- Pour ça oui!
Le dauphin leva la garde du palais et attaqua le roi Tch'eng. Celui-ci, acculé par les rebelles, demanda la faveur de se régaler une dernière fois de pattes d'ours avant de mourir, elle lui fut refusée; alors il mit fin à ses jours."
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"- Le roi de Wei, déclara une fois Houei Cheu à son Maître Tchouang, m'a laissé des graines de courges géantes. Je les ai plantées et elles ont donné des fruits tellement énormes qu'ils ne pouvaient ni servir de jarre, les parois n'étant pas assez solides, ni être débités pour faire des coupes, car elles auraient été trop plates pour rien contenir. Pour être énormes, ça, elles étaient énormes, mais n'en ayant aucun usage, je les ai réduites en miettes !
- Cela prouve, rétorqua Maître Tchouang, que tu es incapable de voir grand. Un homme de Song avait découvert un baume contre les engelures. Sa descendance l'utilisait depuis lors de père en fils pour laver en toute saisons la soie brute. Un étranger en entendit parler et en offrit cent pièces d'or. La famille se réunit pour examiner sa proposition: "Voilà des générations que nous nous échinons à faire métier de laveurs de soie et nous n'avons pu amasser à grand-peine que quelques pièces d'or. Maintenant que nous avons l'occasion de nous trouver à la tête de cent pièces d'or en un seul jour en vendant notre secret de fabrication, ce serait folie de tergiverser !" Une fois en possession de la formule, l'homme se rendit auprès du roi de Wou. Or il se trouvait que le Yue venait d'ouvrir les hostilités contre son voisin. Le roi de Wou accorda à l'étranger le commandement de sa flotte. Pendant l'hiver, il y eut un engagement naval et la flotte du Yue fut défaite grâce au baume dont les marins avaient enduit leurs mains pour les protéger du froid. Le Yue céda une portion de son territoire au roi de Wou qui l'offrit en apanage à son général pour le récompenser de ses services. Le même baume permit dans un cas d'acquérir un fief tandis que dans l'autre il ne servit jamais qu'à laver la bourrette de soie.
Et Maître Tchouang conclut:
- Tu avais une courge de cinquante boisseaux. Pourquoi ne pas avoir songé à en faire un navire pour voguer sur les fleuves et les lacs au lieu de te lamenter qu'elle fût trop plate pour rien contenir ? Que tu as l'esprit étriqué !"


Gun, le hibou et la tortue

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