mardi, novembre 20, 2007

Travailleur migrant

Les travailleurs migrant sont officiellement 150 millions. Ils quittent la campagne pauvre et se dirigent vers les villes pour y être exploités dans des usines ou sur les chantiers. Ce sont eux qui font tourner la machine économique chinoise à du 10% de croissance, sans en recueillir les fruits.

Pour se déplacer et travailler en ville, ces ruraux ont besoin d'un permi de travail : Le hukou (户口). Le hukou permet de réguler les déplacements des travailleurs au gré des besoins : on les fait venir lorsqu’on a besoin d’eux et on les renvoie vers les campagnes lorsqu’ils sont en surnombre ou qu’on ne peut plus les accueillir. Quand un travailleur est victime d’un accident du travail ou quand il est trop «vieux» (en général vers la trentaine, étant donné le rythme épuisant des cadences), le hukou permet de le renvoyer vers sa campagne : en effet, un travailleur migrant n’a pas le droit de rester en zone urbaine s’il ne peut justifier d’un emploi.
Il peut devenir très lucratif pour un gouvernement local de laisser venir les travailleurs migrants en nombre. Leur présence attire des entreprises à la recherche de main d’œuvre bon marché. Ces entreprises devront s’acquitter d’impôts locaux. Et, toujours selon le système du hukou, les résidents temporaires d’une localité n’ont pas droit aux aides sociales, telles que les allocations logement ou allocations chômage. Les gouvernements locaux réalisent là d’importantes économies. Enfin, les travailleurs migrants ne sont pas autorisés à faire venir leur famille sur leur lieu de résidence temporaire, ce qui constitue une autre source d’économie pour les gouvernements urbains.
Mais malgré ce système et la colossale machine bureaucratique mise en place pour surveiller la population, les flux migratoires restent difficiles à contenir.
Il est difficile, voire impossible, de chiffrer avec exactitude le nombre de paysans chinois qui quittent la campagne pour partir à la recherche d’un emploi, mais on cite souvent le chiffre de 100 à 150 millions. Dans la semaine qui suit le nouvel an chinois, les travailleurs migrants retournent en ville après avoir rendu visite à leur famille et provoquent un chaos indescriptible dans les transports publics.
Cette quantité massive d’hommes et de femmes à la recherche d’un emploi non qualifiés tire les salaires et les conditions de travail à la baisse. Ces travailleurs sont aisément exploités par des employeurs qui fixent les salaires au plus bas niveau possible. Les nouveaux arrivants, en particulier, sont souvent prêts à accepter n’importe quel travail, dans l’espoir de recouvrer rapidement tous les frais qu’ils ont engagés (frais de transport et frais de demande de certificats).
Le cas de ce jeune homme bien décidé à quitter sa campagne pour aller travailler en ville, tel qu’il a été rapporté dans un quotidien (Yangcheng Wanbao Guangzhou evening news, 30 mars 2001), illustre tout ceci parfaitement. Un ami de ce jeune homme l’informe des opportunités d’emplois existantes en ville. Avant son départ, il doit remplir quelques formalités : il doit obtenir un permis pour quitter sa région (120 yuan, délai d’obtention six mois), une carte d’identité (80 yuan, délai d’obtention un mois), un certificat de célibat (60 yuan, valable un an) et un certificat prouvant qu’il n’est pas né hors quota du planning familial (45 yuan, valable un an). Avant même son départ, il a déjà dépensé 305 yuan. Rappelons que le salaire minimum mensuel à Shenzhen, en 2000, était de 547 yuan et que notre jeune homme n’aura de toute façon pas grande chance d’être embauché à ce salaire. Tout frais débarqué à Shenzhen et armé de ses papiers en règle, il aspire à devenir un travailleur migrant « légal » et à travailler au plus tôt. A l’usine où il s’adresse, on lui demande un dépôt de 300 yuan en échange d’un poste. Ensuite, il lui faut payer un permis de travail (40 yuan) et un permis de résidence temporaire (300 yuan) : à peine arrivé à Shenzhen, il a déjà déboursé 640 yuan, soit l’équivalent de presque deux mois de son premier salaire, sans compter ses frais de transport. Voilà comment la plupart des travailleurs migrants s’endettent dès leur arrivée en zone urbaine.
Selon certaines estimations officielles, les travailleurs migrants dépensent en moyenne 600 yuan par an en certificats. Ils doivent porter ces documents sur eux en permanence et risquent la prison s’ils se font arrêter sans leurs papiers. Mais pour posséder tous ces papiers, il faut justifier d’un emploi. On comprend dès lors que la recherche d’un emploi puisse tourner à l’obsession. Le fait que les ouvriers potentiels soient souvent contraints de verser une avance pour « réserver » un emploi est symptomatique de leur détresse. Cette pratique est d’ailleurs devenue habituelle, même dans les usines étrangères. A première vue, elle semble paradoxale : ce n’est plus l’employeur qui rémunère un travail mais l’ouvrier qui doit avancer une somme pour réserver son emploi. Cette somme contraint ensuite l’employé à rester dans l’usine en question, sinon il court le risque de perdre sa mise de départ. Il se trouve ni plus ni moins dans une situation de travail forcé.
Une autre habitude commune à beaucoup d’employeurs est de retenir chaque mois une partie du salaire de leurs employés, tout en promettant de verser le solde en fin d’année. Dans ce cas de figure, plus un employé aura travaillé longtemps dans une usine, plus il lui sera difficile de quitter son employeur. L’employé est alors à la merci de son patron et vit dans la crainte de perdre cette portion de son salaire dans l’éventualité où il souhaiterait quitter l’usine parce que les conditions de travail ont dépassé les limites du supportable.
Enfin, la confiscation pure et simple des papiers des employés constitue certainement la pratique la plus « efficace » du point de vue des patrons. Sans ses papiers, un travailleur migrant qui cherche à quitter une usine aux conditions de travail déplorables se verra dans l’incapacité totale de le faire. Par ailleurs, il est d’autant plus facile de surveiller les allées et venues des ouvriers en dehors de leurs heures de travail puisque les dortoirs sont généralement situés dans l’enceinte même de l’usine.

Voici le témoignage de l'une d'entre elle. Elle a 30 ans, a quitté le lieu où elle a grandi dans la province de l’Anhui - une des plus pauvres de Chine - à l’âge de 18 ans et n’a pas cessé depuis d’aller d’un endroit à l’autre pour gagner sa vie. Travailleuse migrante comme il y en a tant en Chine, elle a réussi en quelques minutes à dresser un portrait de son existence. (100 yuan = 10 euro).

Souce de la vidéo : le site génial d' Olivier Ruelle, http://blogenchine.com/

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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