lundi, octobre 22, 2007

Les jolis discours de Monsieur Hu


Le congrès du parti communiste chinois a pris fin le 21 Octobre avec un joli discours. Renfort de croissance qualitative et moins de croissance aveugle quantitative ; promesses pour les oubliés du miracle économique, pour ceux qui restent sur le bord de la route empruntée à toute vitesse par les nouveaux capitalistes chinois.
Hu JinTao après avoir évincé le clan de Shanghai en mettant en prison pour corruption le désormais ancien chef du gouvernement de la perle de l'Orient a réussi à renforcer son pouvoir et son autorité malgré les rivalités, les guerres fratricides entre les différents courants au sein même du parti rouge. D’allieurs on ne dit plus ‘évincé’ ou ‘mettre en prison’ mais ‘harmoniser’.


Monsieur Hu a pourtant beau utilisé le mot démocratie plus de 60 fois, tout comme son prédécesseur, monsieur Jiang, le mot minzhuzhengzhi (民主政治) retentit mais reste confiné au sein des rideaux rouges du congrès. La voix monocorde de Hu ne porte pas et ses discours ennuyeux sonnent creux.

La seule montée en énergie a peut être seulement été lorsque Hu a mentionné comme offensant la distinction accordée au Dalaï lama par G.W Bush ou lorsque il s'est dit alarmé par le référendum prévu par Chen SuiBian, le président taiwanais, sur le statut de l'île et son changement de désignation passant de République de Chine à Taiwan pour acquérir la légitimité de prétendre à un siège à l'ONU, reconnaissance symbolique de l'indépendance de l'île.

La nouvelle la plus inquiétante n'est pas que Hu JinTao ne fait pas de vagues par rapport à l'héritage de Jiang ZeMin et n'éprouve pas le besoin urgent de réforme démocratique en profondeur face à une population de plus en plus éduquée et communicative mais elle est sans doute dans l'alignement des lignes plus progressistes personnalisées par le nouveau chef de Shanghai, Xi JinPing ou Li Keqiang du Liaoning.


Pendant ce temps, Xinhua, l'AFP local reporte sans broncher les discours de monsieur Hu et sa ligne éditoriale cultive une grande hauteur de vue lorsqu'elle délivre des informations sur le courroux des chauffeurs de taxi pékinois qui circulent avec une plaque d'immatriculation comprenant les caractères WC, ou le récent geste de la Southern Airlines qui oblige ses clients à ne pas aller aux toilettes en vol pour économiser un litre de fuel... Merci pour ces infos hautements stratégiques.

Il y a quelques jours, alors que je déchifrais des informations sur des sites internet chinois, un ami entre dans ma chambre. Je lui demande ce qu’il pense de ce nouveau congrès et si cela l’intéresse. Réponse normale : « Ca ne m’intéresse pas », « Ce genre de chose, c’est pas pour moi ». Je lui demande alors de m’aider à traduire certains passages qui me posent difficultés. Au bout d’un moment, il exulte : « C’est n’importe quoi, ils veulent réaliser le communisme chinois... mais pourquoi... ca veut dire quoi ? ». Et il conclu : « C’est du théatre ».

Tout ceci me fait penser à une phrase de Pierre Hassner, lue dans son livre ‘La terreur et l’empire’ (Editions du Seuil, collection Point, p.47), en parlant de l’union soviétique : « La terreur ayant presque disparu sous Krouchtchev et l’idéologie sous Brejnev, ce qui restait – le règne d’un language idéologique vide auquel personne ne croit et d’une puissance sans autre légitimité et sans autre objectif que l’autoconservation – était beaucoup moins stable qu’on ne le supposait. ».

Je viens tout juste de terminer l’exellent ouvrage de Stéphanie Balme, Entre soi (Entre soi, L’élite du pouvoir dans la chine contemporaine, Edition Fayard), sur le népotisme dans la vie politique chinoise, ou, comment les communistes révolutionnaires du début du siècle ont placé leurs familles dans la haute sphère du pouvoir actuel grâce à un système de relations entre ellles complexe (je reviendrais plus tard sur la notion de guanxi). A propos d’autoconservation, voici quelques tableaux et extraits intéressants.
.p. 145
Par lien de parenté, les familles se réclament d'un ancêtre (c'est à dire d'un héro) commun, et, suivant la logique de la parenté en chine, forment une lignée. Cette lignée doit entretenir le souvenir du défunt héroïque et, à travers ses actions, celui de l'histoire glorieuse du parti.
A la fin des années 70, un système déjà complexe d'échange parental existe, plutôt de type différé et indirect, comme les résultats l'ont montré, car deux générations sont déjà parties prenantes de la même histoire. Vingt-cinq ans plus tard, le système s'est logiquement complexifié. Quatre, voire cinq générations de leaders historiques vivent sous le même toit.
L'influence du guanxi parental est le produit d'un double processus : d'une part, la longévité du régime socialiste et son corollaire, l'enracinement historique de multiples groupes et sous-groupes d'élites qui le constituent depuis 1949 ; d'autre part, la logique symbolique selon laquelle le pouvoir de Pékin ne peut s'instituer et 'faire régime' qu'en assurant sa reproduction, c'est à dire en sélectionnant ses successeurs. Les pères de la révolutions chinoise peuvent, parce qu'ils ont les héritiers, se définir et se percevoir comme les pères fondateurs d'un régime qui est encore promis à un grand avenir. En conséquence, l'influence importante des liens de parentés va de pair avec un contrôle politique fort exercé sur la distribution du pouvoir en groupes générationnels.
Enfin, la réalité maintes fois décrite des régimes socialistes dotés de bureaucraties dominées par l'opacité de l'information, la pesanteur idéologique ou le secret font que la confiance est une valeur rare et effectivement peu partagée. D'où le rôle des parents, qui peuvent, dans un tel contexte, devenir la principale ressource tant symbolique que réelle pour l'accès au pouvoir.

p.159
Les règles de la distribution du pouvoir ne peuvent se comprendre que par rapport à une forme de certitude que le régime a de sa propre pérennité, ou dans la volonté de l'établir. La confiance se fonde aussi largement sur l'assurance de la solidarité familiale qui est spposée protéger le régime des aléas historiques et individuels. Ensuite, pour les vétérans du régime, l'incarnation de leur passé au travers de leurs enfants répond à une nécessité : la mémoire collective qu'ils symbolisent devient la source de leur légitimation. Les dignitaires du régime transmettent à leurs enfants leur passé glorieux, ce qui donne aux premiers l'autorité nécessaire et donc la légitimité pour conduire les affaires du parti, et assure aux seconds l'accès à l'éritage. Surtout, c'est en transmettant cet héritage qu'ils recréent leur passé, leur histoire, et s'autodésignent comme les héritiers d'une époque héroïque. Réervoir d'images et de modèles d'action, le passé permet d'employer une histoire idéalisée, construite et reconstruite à l'infini selon les besoins.

p. 168
"Avec nos enfants, nos coeurs sont en paix car ils ne nieront pas l'héritage de leurs propres pères" Chen Yun, 1991. Cette assurance de détenir un capital de reconnaissance et de confiance par rapport au legs révolutionnaires et à son héritage fait songer à la phrase célèbre adressée par Mao au successeur qu'il s'était lui-même donné, Hua Guofeng : "Avec toi aux commandes, je suis tranquille". Au delà des discours cependant, il n'y a jamais eu officiellement, sous l'autorité de Deng Xiaoping, de principe général ni de politique de justification du népotisme conçu comme doctrine officielle de délégation patrimoniale du pouvoir.
L'explication la plus directe du phénomène est que, avec l'ouverture du régime et l'accélération des réformes économiques, les "princes"disposent seuls dans leur génération de l'ensemble des ressources politiques, culturelles et idéologiques nécessaires pour accéder aux fonctions institutionnellement les plus puissantes. Réciproquement, le programme de réformes de Deng Xiaoping a besoin pour réussir de leurs guanxi.

Voici également le site de la propagande chinoise en francais http://french.china.org.cn/

Aucun commentaire: