dimanche, octobre 21, 2007

Fin du congrès

Le 17e congrès du Parti communiste chinois (PCC) s'est achevé ce dimanche. La doctrine politique du président Hu Jintao a été intégrée à la constitution du PCC. Des changements prévus au sein de la direction suprême devraient aussi profiter au numéro un.
Avant la cérémonie de clôture du congrès, les 2200 délégués réunis depuis lundi ont fait inscrire dans la constitution du parti la notion de "développement scientifique" - qui vise à allier croissance, protection de l'environnement et égalité économique. Cette décision fait entrer M. Hu au panthéon des grands dirigeants communistes aux côtés de Mao Zedong, Deng Xiaoping et Jiang Zemin.

Durant ce congrès, M. Hu a insisté sur la nécessité d'un "développement équilibré pour assurer une croissance saine et rapide" du géant asiatique en passe de devenir la troisième économie de la planète.
Le Parti communiste chinois a annoncé que le vice-président Zeng Qinghong ne figurait pas parmi les quelque 200 membres du nouveau Comité central. Agé de 68 ans, Zeng occupait la cinquième place dans la hiérarchie du Parti et il a été longtemps associé à Jiang Zemin, prédécesseur du président Hu Jintao. Le départ de Zeng et de deux autres dirigeants du Comité central devrait permettre à Hu d'annoncer, après le Congrès, la promotion de successeurs potentiels.

Wu Guangzheng, 69 ans, responsable de la lutte anticorruption, et Luo Gan, 72 ans, chef de la sécurité, ne font pas non plus partie du nouveau Comité, rapporte le service en anglais de l'agence Chine nouvelle. Mais Jia Qinglin, 67 ans, allié de longue date de Jiang, y demeure.
Parmi les autres personnalités absentes du nouveau Comité central de quelque 200 membres figurent Wu Yi, 68 ans, vice-premier ministre, surnommée la "Dame de fer" pour sa fermeté dans les discussions commerciales avec les Etats-Unis ; le ministre de la défense, Cao Gangchuan, 71 ans, et le vice-premier ministre Zeng Peiyan, 68 ans, chargé de la politique industrielle.

Les personnalités ne figurant pas dans le nouveau Comité central devraient renoncer dans les prochains mois à leurs responsabilités gouvernementales.Le nouveau Comité central va nommer un bureau politique de quelques dizaines de membres et un comité permanent qui pourrait compter neuf membres dont l'identité sera dévoilée lundi.

"Hu a le pouvoir, il lui appartient maintenant de décider comment il veut l'utiliser et ce qu'il veut faire", conclut Li Datong, ancien rédacteur en chef d'un organe du parti, qui publie maintenant des analyses politiques."Mais Hu ne sera pas aventureux. Ce n'est pas dans sa nature".
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Hu a promis une "société harmonieuse" débarrassée des conflits et une "perspective scientifique de développement" destinée à apporter davantage de prospérité dans les villages reculés et aux travailleurs pauvres et à lutter contre la pollution.
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Jiang Zemin, prédécesseur de Hu, a mis treize ans avant de pouvoir marquer le parti de son empreinte, peu avant sa retraite, en 2002. Le fait que Hu soit en mesure de faire de même alors qu'il a encore devant lui plusieurs années à rester en fonction témoigne de son influence croissante, notent des analystes.
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Du nouveau Comité permanent devront émerger, dans cinq ans, les successeurs de Hu et de ses collègues. Li Keqiang, dirigeant du Parti dans la province industriel de Liaoning, dans le nord-est du pays, pourrait être l'un d'entre eux. Il a travaillé avec Hu à la Ligue de la jeunesse communiste. Le nouveau comité permanent pourrait aussi accueillir le chef du parti à Shanghai, Xi Jinping, et d'autres personnalités plus jeunes qui n'entretiennent pas nécessairement des relations de longue date avec Hu.
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En marge de ce congrès, la censure de sites internet s'est considérablement accrue. Il ne m'est ainsi plus possible de déposer mes vidéos sur youtube. La Chine déclare la guerre aux sites de recherche occidentaux. La Chine a unilatéralement bloqué les trois principaux moteurs de recherche et redirige toutes les recherches vers Baidu. Certains suggèrent que la remise d’un prix au Dalai Lama chez le président Américain Georges Bush serait à l’origine de ces décisions ; impossible cependant de confirmer.

Certains suggèrent que la Chine utilise peut-être sa muraille (firewall plutôt...) comme une arme économique plutôt qu’un simple outil de censure, cette dernière étant pourtant certainement derrière cette exclusion de sites américains ; toutefois la redirection vers Baidu semble traduire un motif économique. S’il s’agissait d’une simple censure, nous aurions sans doute droit à des pages bloquées ou non trouvées, pas des redirections vers Baidu. Le gouvernement fait ici usage de la censure au bénéfice d’une société Chinoise (pas au NASDAQ). Les États unis faisant partie de l'OMC comme la Chine, récent nouveau membre, le gouvernement US devrait y déposer une plainte. La chine réclame un accès libre vers les nations de l’Ouest mais elle, non seulement bloque l’accès aux sites mais détourne ouvertement leur trafic.
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A Pékin, les opposants sont harcelés, brutalisés, enlevés
Journal LE MONDE 19.10.07

La tenue du 17e congrès du Parti communiste chinois (PCC), à l'ouverture duquel le chef du parti et président de la République, Hu Jintao, a prononcé, le 15 octobre, un discours où il a mentionné soixante fois le mot "démocratie", provoque un excès de zèle de la police : ceux, dissidents et défenseurs des droits de l'homme, qui pourraient profiter de l'occasion pour gâcher la grand-messe quinquennale du PCC sont écartés, placés en résidence surveillée, parfois brutalisés.
Zhou Li, une femme de 39 ans, enceinte de plusieurs mois, est une activiste du quartier situé près du célèbre temple du Ciel, une zone où les promoteurs, en cheville avec les autorités municipales, vont faire expulser des milliers de personnes, raser des dizaines de rues pour transformer ce coin populaire du Vieux Pékin en de vastes galeries commerciales. Depuis des mois, elle s'emploie à convaincre les gens de ne pas céder aux compensations financières inadéquates, et appelle à la résistance.
Avant même le début du congrès, elle et ses voisins de la petite cour carrée traditionnelle où elle loge ont commencé à subir le harcèlement des policiers. Deux autres activistes très connus habitent dans la même maison : Sun Xiaodi, un militant écologiste qui a dénoncé la production d'uranium dans la province du Gansu, et Hua Huiqi, chrétien "clandestin" qui appartient à une secte protestante interdite.
RÉSISTANTS DU TEMPLE DU CIEL
Il y a une semaine, ce dernier a été violemment battu devant chez lui par des voyous à la solde de la police. Mercredi, lors de notre rencontre avec Zhou Li, il venait encore d'être brutalisé pour avoir osé, raconte-t-elle, "aller aux toilettes publiques dans la rue". "Les policiers ne laissent plus sortir personne de la maison. Ils ont fini par m'accompagner à l'hôpital pour que je puisse subir des examens, puisque je suis enceinte", dit-elle.
Dans la cour, ce mercredi 18 octobre, c'est l'émotion : la propriétaire, une dame aux cheveux blancs, agenouillée, se prosterne en se tapant le front sur le sol. Elle hurle, désignant deux jeunes hommes : "Ce sont eux qui nous frappent, ce sont eux qui répriment les petites gens comme nous." Trois policiers en civils sont là, vêtus de noir, le visage fermé.
Quelques instants plus tard, une demi-douzaine d'agents, en uniforme cette fois, dont plusieurs officiers et un fonctionnaire s'exprimant dans un anglais correct, font irruption dans la cour, demandent leurs papiers aux deux journalistes présents. Qui seront empêchés de faire leur travail d'enquête alors que Hua Huiqi gît, à moitié inconscient, dans l'une des pièces de la petite cour. On est prié, courtoisement mais fermement, de déguerpir et la police entoure le quartier d'un ruban de plastique jaune qui délimite d'ordinaire une scène de crime. Le piège s'est refermé sur les résistants du temple du Ciel.
Avant l'incident, dans un fast-food situé près de la place Tiananmen, Zhou Li confiait son désabusement : "Je n'ai pas confiance dans le Parti communiste, et Hu Jintao peut bien faire de belles promesses, il est impuissant à changer les choses..."
Depuis plusieurs semaines, la répression contre les défenseurs des droits de l'homme s'est accrue, mobilisant, selon le militant Hu Jia, lui-même en résidence surveillée, "des forces plus importantes qu'à l'ordinaire". Il raconte qu'une quinzaine de policiers campent jour et nuit dans le couloir de son immeuble. L'avocat Gao Zhisheng, connu notamment pour sa défense des membres de la secte interdite du Falun Gong, a disparu depuis des semaines. Un de ses collègues, Li Heping, a été enlevé et passé à tabac par des hommes de main.Dans la province centrale du Hubei, par ailleurs, deux activistes très connus, Yao Lifa et Lu Banglie, ont "disparu" peu avant l'ouverture du congrès du PCC.

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Li Datong, privé de langue de bois
Journal LE MONDE 19.10.07

Maintenant Li Datong a du temps devant lui et il peut parler librement. Avant, il était journaliste communiste ; il est encore journaliste, mais n'est plus communiste. Limogé, il y a presque deux ans, il est très célèbre dans les milieux de la presse pékinoise même si son histoire a été racontée en Occident et passée sous silence dans son pays. Li, 55 ans, est devenu la coqueluche des médias occidentaux. A l'approche du 17e congrès du Parti communiste, il a multiplié les interventions pour conspuer, avec une liberté de ton rare en Chine, l'organisation à laquelle il a adhéré toute sa vie.
Li Datong avait du métier. Pas seulement parce qu'il en connaissait les ficelles, mais surtout parce qu'il savait comment exercer sa profession dans un pays au régime autoritaire. Il raconte que, lorsqu'il était encore rédacteur en chef du supplément d'un quotidien du parti, Le Journal de la jeunesse de Chine, il lui fallait maîtriser deux impératifs pour éviter la censure et contourner la propagande. "D'abord être rapide", explique-t-il, enchaînant cigarettes et verres de thé dans le café cossu d'un quartier un peu glauque du nouveau Pékin. Quand il s'agit de publier un article sur un sujet qui fâche, "il faut aller plus vite que l'interdiction officielle : du coup, on ne peut pas accuser le journaliste de franchir une ligne rouge qui n'avait pas encore été tracée..." L'autre moyen pour écrire sans détour dans un univers où la presse dépend, pour l'essentiel, du bon vouloir de l'appareil de la propagande ? "Saisir sa chance : le président Hu Jintao appelle à respecter la Constitution dans un discours ? Vite, on fait un papier pour critiquer ceux qui ne la respectent pas !" Li Datong, le malicieux, sait bien qui il visait dans ce cas-là : les gens du parti eux mêmes...
Une intellectuelle du PCC, qui préfère ne pas être citée, tient un discours résolument orthodoxe et raille le journaliste : "Il peut bien dire ce qu'il veut sur le parti, ça n'a absolument aucune importance. C'est avec des gens comme Li Datong qu'on provoque le chaos." C'est effectivement l'appareil d'Etat qui a eu le dernier mot. En janvier 2006, Bingdian ("point de glaciation"), l'hebdomadaire dont il est le responsable, est brutalement fermé. L'ordre est venu directement de Li Changchun, tsar de la propagande et l'un des neuf membres du cénacle suprême : le comité permanent du bureau politique du PCC. Li Datong était dans le collimateur depuis un moment.
"Surpris ? Ah oui ! J'étais sidéré, enrage l'ex-rédacteur en chef. Qu'on me limoge, ce n'était pas forcément étonnant, mais que l'on aille jusqu'à fermer Bingdian, ça, je ne pouvais pas l'imaginer. Ce supplément était très lu." D'autant plus que c'est celui du journal des membres de la Ligue de la jeunesse communiste, une organisation naguère dirigée par l'actuel chef du parti et président de la République, Hu Jintao. Li Datong soutient d'ailleurs que ses collègues parvinrent à activer leurs guanxi ("relations"), une arme décisive en Chine pour arriver à ses fins, en politique comme dans les affaires, au sommet de l'Etat. Dix jours après, mais sans Li Datong, Bingdian reparaît. "Hu est intervenu personnellement", soutient l'ancien responsable de l'hebdomadaire.
Mais qu'avait-il donc publié de si dérangeant pour être ainsi brutalement mis à pied ? Le prétexte invoqué à la fermeture de Bingdian était la publication d'un article écrit par un universitaire cantonais, Yuan Weishi, qui critiquait la version officielle de la révolte des Boxers, un violent mouvement anti-occidental instrumentalisé entre 1898 et 1901 par la redoutable impératrice douairière Cixi (dont la graphie habituelle est Ts'eu-hi). Dans les manuels scolaires, l'historiographie officielle de la Chine populaire exalte cette révolte au nom des "valeurs patriotiques". Si la critique du professeur de Yuan était difficile à avaler en haut lieu, elle intervenait après différents articles provocants choisis par Li Datong : entre autres, il avait publié en 2005 un long article d'un Taïwanais s'exprimant sur la démocratie. "
Cela avait mis la propagande en colère. Ils affirmaient que le parti était visé..." .
Pourtant, il est difficile de reprocher à Li Datong de ne pas avoir suffisamment mouillé sa chemise au nom du communisme. A 18 ans, deux ans après le déclenchement de la révolution culturelle, il est envoyé comme des milliers de "jeunes instruits" de son âge - c'est alors l'expression consacrée - partager le sort des paysans. Pour Li, ce sera le sort des nomades : il se retrouve dans la steppe, en Mongolie-Intérieure. Il y restera plus de dix ans.
"Là-bas, j'ai fait différents boulots. J'ai été comptable, chef d'équipe, je vivais avec les pasteurs, je transhumais avec eux." En 1978, après la réouverture du Journal de la jeunesse de Chine, on le contacte depuis le siège du quotidien, à Pékin. Bon communiste, il est devenu entre-temps secrétaire du parti d'un village mongol. On a besoin d'un journaliste parlant la langue des nomades. Li Datong s'exprime très bien dans cette langue. Il commence une carrière de correspondant local, avant d'être nommé plus tard au siège. Comme tous ces "jeunes instruits" qui ne l'étaient pas, il lui faut développer en autodidacte des compétences pour espérer faire carrière. Trop âgé pour passer des concours universitaires, il va arracher, vers la trentaine, un tardif diplôme de littérature en " (s')enseignant à lui-même", selon sa propre formule.
Dès lors, il ne cesse de grimper dans la hiérarchie et devient rédacteur en chef. En 1989, pendant les sanglants événements de Tiananmen, il profite tout de même de l'effervescence pour se mêler des débats en cours : il essaie d'organiser un meeting avec un millier de confrères pour discuter de l'impact du mouvement étudiant. Il le paie cher : "On m'a déchu de mon titre de rédacteur en chef et je me suis retrouvé au placard, aux archives, pendant cinq ans."Et aujourd'hui, après toute cette vie, quel regard porte-t-il sur le Parti communiste ? Il plisse les yeux, répond sans réfléchir : "Le Parti communiste chinois est une grande mafia où tout le monde doit écouter le parrain." Puis il modère un peu le propos : "C'est un parti au fonctionnement non démocratique, mais il évolue : au sommet, on comprend de plus en plus qu'il faut partager le pouvoir. C'est l'un des enjeux du 17e congrès." Li Datong n'est pas un révolutionnaire ; il pense simplement "qu'il faut faire évoluer le parti de manière pacifique."

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