dimanche, avril 01, 2007

La montée de la Chine

"Excitation, perplexité, crainte : les réactions au phénomène chinois"
C' est le titre d' un rapport publié dans le journal anglais The Independant, qui commence ainsi :“la Chine, la Chine, la Chine ! La vitesse à laquelle elle influence notre mode de vie aurait été impensable il y a juste quelques années.” Suite au discours sur l' Etat de l' Union et le rapport sur la défense aux Etats-Unis, ainsi que l' annonce du PIB en Chine par le gouvernement chinois, les estimations sur le développement économique chinois sont de plus en plus nombreuses en Occident, ainsi que les appréhensions qu' il suscite.

Splendeur de la Chine aux yeux de l' Occident
Selon The Economist, le PIB de la Chine augmente en moyenne de 9,5% par an depuis 1978, soit trois fois plus vite qu' aux Etats-Unis et plus vite que partout ailleurs. “Le dragon se réveille vraiment”.
L' International Herald Tribune estime que la Chine l' emportera sur les Etats-Unis en terme de dimension économique et atteindra le même niveau de vie. D' après le New York Times, “en 2040, le chinois sera omniprésent dans toutes les conférences scientifiques internationales et les chansons en chinois seront de plus en plus nombreuses dans les charts américains.” Selon le Figaro, en se fondant sur le pouvoir d' achat pour calculer le PIB, la véritable puissance économique de la Chine est 5 fois plus grande que celle de la France.

Ce genre d' opinions se retrouvent dans de nombreuses institutions internationales : la banque Goldman Sachs prévoit que la Chine deviendra la première économie du monde au début des années 2040.

Quatre visions de la Chine en Occident
Ces articles sont bien différents de certains discours diffamatoires du passé envers la Chine. Certains sont même trop élogieux et éloignés des réalités. Les points de vue concernant la Chine en Occident peuvent se diviser en 4 catégories :
1, les amis de la Chine : ils se réjouissent de sa montée en puissance, font l' éloge de ses réussites et contributions. Mais leur regard est parfois emprunt de romantisme et leur appréciation s’approche davantage de leurs espoirs que de la réalité.
2, les pragmatistes ou les “connaisseurs de la Chine”. Pour eux, l' essor de ce pays est inévitable, mais il n' implique par forcément l' affaiblissement des pays développés. Ils sont partisans d' une coopération avec la Chine, de manière à ce que toutes les parties profitent de sa montée.
3, les tenants d' un mode de pensée issu de la guerre froide et d' un système de valeurs traditionnel. Ils considèrent la Chine comme un adversaire potentiel et prônent une politique de “contacts et de limitation” de son influence (“engagement and containment”).
4, le camps “anti-Chine”. Ses membres identifient la Chine à l' ennemi qui constitue la plus grande menace à leur position hégémonique. Certains Américains de cette mouvance refusent toute coopération avec la Chine et voient dans sa montée un transfert de la richesse américaine en sa faveur. Leur position : “la limitation anticipée” de son influence.

Flatter pour mieux attaquer
Lorsque les héritiers de la guerre froide et les “anti-Chine” font ses louanges sans restriction, c' est pour mieux la mettre en avant et lui asséner un coup fatal. Leurs intentions cachent des buts inavoués qui peuvent dangereusement compromettre le développement de la Chine.
Selon Huang Jing, chercheur à l' Institut des affaires étrangères de la Brookings Institution et spécialiste de la Chine, l' histoire démontre que lorsqu' un pays est en train de devenir une forte puissance, il recherche nécessairement la suprématie, réclame une nouvelle définition des zones d' influence et pose un défi aux puissances déjà en place. Cela a été le cas pour l' Allemagne et le Japon, tout comme pour les Etats-Unis actuellement. Seule la Chine est une exception, puisque c' est en entrant dans le système international qu' elle réalise cet objectif. C' est pourquoi nombreux sont ceux en Occident qui la comparent au Japon d' après la seconde guerre mondiale. Mais ils estiment qu' en tant que membre actif du système international, la Chine devrait cesser de n' en tirer que des intérêts et devrait également assumer davantage de “responsablités internationales”.

Responsabilité internationale
Selon l' analyse de Huang Jing, le concept de “responsabilité internationale” comporte principalement trois niveaux :
1, responsabilité économique et matérielle : pour l' Occident, la montée de la Chine signifie qu’elle doit davantage s' investir internationalement aux niveaux financier et humain. Des reportages ont récemment mentionné la possibilité que l' OMC procède à une nouvelle évaluation des pays en développement en utilisant la méthode de calcul du pouvoir d' achat du Programme des Nations Unies pour le développement. Selon cette méthode, le PIB chinois par habitant a déjà atteint 4580 dollars américains. La Chine pourrait rapidement être classée comme pays développé et ne plus profiter d' un traitement préférentiel.
2, responsabilité d' ouvrir le marché financier : l' Occident estime que la Chine a encore beaucoup à faire dans ce domaine, malgré toutes ses réussites dans les réformes économiques. Il demande que le gouvernement chinois abandonne son contrôle du marché financier et ouvre la porte aux sociétés étrangères.
3, responsabilité morale : l' Occident veut que la Chine se soumette à ses règles du jeu et à son système de valeurs. Le vice-secrétaire d' Etat américain Robert Zoellick a demandé à la Chine en septembre 2005 de devenir un joueur et acteur responsable de la communauté internationale.
La “théorie de la menace chinoise” se transforme en “théorie de la responsabilité chinoise” . Mais cette dernière pose deux problèmes. Celui du degré : quelle doit être l' étendue de la responsabilité de la Chine, mondiale ou régionale ? Et secondo, qui décide de cette responsabilité ? La Chine ou les Etats-Unis ?

Les erreurs d' une surestimation de la Chine
Une raison essentielle de la surestimation de la Chine par l' Occident provient de connaissances incomplètes. Vu des pays occidentaux, le développement inégal de l' économie chinoise n' est pas évident. Plus grave est la tendance à dramatiser les informations en provenance de Chine pour les rendre plus attractives. Max Steuer, de la London School of Economics and Political Science, reconnaît qu'“il y a des éléménts qui induisent en erreur dans la plupart des médias occidentaux qui peignent un tableau prospère de l' économie chinoise. La plupart des commentateurs n’ont pas de connaissances directes de l' économie chinoise. Ils ont tendance à se référer les uns aux autres. L’effet dramatique est meilleur lorsque l’on omet certaines connaissances et que l’on simplifie un récit. C’est vrai qu’une success story inimaginable se lit mieux qu’une histoire complexe, et qu’importe si cela ne reflète pas la réalité.”Les étrangers se rendent généralement dans les régions riches pour comprendre la Chine, alors que le fossé est énorme entre différentes régions, ainsi qu' entre les villes et les campagnes. C' est aussi souvent avec des groupes assez riches que les étrangers sont en contact, tels des étudiants effectuant leurs études à l' étranger, des touristes ou des hommes d' affaires.

Trois chiffres pour remettre les idées en place
Trois chiffres permettent de mettre la montée de la Chine en perspective.
1, la Chine ne compte que pour 7% du gigantesque déficit commercial des Etats-Unis. C' est ce qui ressort d' une étude récente analysant l' augmentation du déficit de la balance des paiements des Etats-Unis.
2, à près de 86 milliards de dollars, la valeur des exportations des Etats-Unis envers l’Allemagne et le Japon représente toujours plus du double de celles des exportations américaines vers la Chine et l' Inde.
3, un rapport de la Banque Mondiale estime la richesse moyenne par individu en Chine à 9387 dollars, ce qui est moins de 2% de la richesse de l' Américain moyen.
Ces trois chiffres nous ramènent sur terre et nous interdisent toute arrogance. Selon le professeur Christopher Bliss, de l' Université d' Oxford, “il est possible qu' une grande entité économique demeure un pays pauvre, telle que la Chine et sa grande population. Non seulement la valeur de sa production unitaire est basse, mais elle souffre encore de sérieuses inégalités de développement.

" Une fausse réputation peut attirer le malheur”
Cet ancien proverbe chinois ne signifie pas que nous devons taire nos succès ou nous méfier de tout compliment du monde extérieur, mais qu' il nous faut connaître notre véritable visage. Faire en sorte que le monde nous connaisse sous notre vrai jour nous permettra d' éviter bien des pièges et d' affermir notre confiance en nous-mêmes....

Auteurs : Tang Yong, Kou Weiwei, Zhang Nanyi
Source : Global Times

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