jeudi, décembre 20, 2007

Dénoncer la corruption

Le gouvernement chinois a récemment mis en place un Bureau National de la Prévention de la Corruption en Chine 国家预防腐败局. Le Bureau, a été créé en septembre suite aux nombreuses affaires de corruption impliquant des personnalités dans le pays.
Pour rendre plus efficace cette lutte, le Bureau a lancé son site web
http://yfj.mos.gov.cn/ sur lequel chacun peut dénoncer la corruption.
D'après le Beijing Daily News, le site remporte un franc succès puisque ces derniers jours le portail était devenu inaccessible dû à une fréquentation très importante.
Selon le Quotidien du Peuple, ce portail entre dans le programme du gouvernement dont le but est d'éradiquer la corruption en Chine dans les cinq années à venir et le moins que l'on puisse dire est qu'ils ont encore beaucoup de pain sur la planche.

Je signale une excellente interview de Lang Xianping, un économiste qui avait une émission à la télé de Shanghai, et qui a du interrompre son programme au moment où il s’attaquait à un nouveau cas de corruption.
Sur
EastSouthWestNorth une interview de lui qui aurait du paraître dans un journal chinois mais qui n’a finalement pas été publiée.

Zheng Xiaoyu (郑筱萸), ancien directeur de l’Administration d’état de l’alimentation et des médicaments en Chine, a été exécuté en juillet. Il avait été accusé d’avoir reçu des pots-de-vin de huit entreprises pharmaceutiques chinoises en échange du renouvellement de licences de plusieurs médicaments. Au total, Xiaoyu avait touché 6,4 millions de yuans soit 620 000 euros. Fin mai, Zheng Xiaoyu avait été condamné à mort pour corruption. La Cour populaire suprême avait déclaré que «l’irresponsabilité aggravée de Zheng Xiaoyu dans le domaine de l’inspection de la sécurité pharmaceutique a sérieusement nui aux intérêts de l’Etat et du peuple», en référence aux médicaments défectueux qui avaient causé la mort de plusieurs personnes.

Maître-architecte du développement ultra-accéléré de Shanghai depuis 1992, le camarade Chen Liangyu (陈良宇), ancien maire de la ville, patron du parti communiste local et homme fort de La ville du miracle économique, restera dans l’histoire comme l’initiateur de projets pharaoniques et l’épicentre de réseaux de corruption non moins pharaoniques, qui causeront sa chute ce fatal jour de septembre 2006 où il disparut entre deux flics anti-corruption venus de Pékin pour l’occasion.
Son empreinte sur les grands travaux de la ville s’est fait sentir lors de la construction d’un des projets-phares, le port en eaux profondes de Yangshan. Problème, les professionnels de la marine auraient préféré un simple aménagement du port de la ville de Ningbo, un peu plus au Sud, considéré comme beaucoup plus sûr. Mais Chen Liangyu voulait son port, et vite. Il l’obtiendra au prix de la vie de dizaines d’ouvriers régulièrement emportés par les courants déchaînés durant toute la durée des travaux. Une fois Yangshan inauguré et devant le manque d’empressement des compagnies maritimes à s’installer dans un port jugé peu pratique, Chen Liangyu obtint de ses amis de Pékin un décret…forçant toutes les entreprises maritimes travaillant avec les ports européens à s’installer à Yangshan. Shanghai-Yangshan est depuis le premier port de Chine pour le plus grand bonheur de Chen Liangyu.
Le Camarade Chen conduisit également la charge dans bons nombres de sympathiques projets du Shanghai postmoderne. Parmi eux on peut notamment évoquer le sabotage écologique de l’île de Chongming : ce petit coin de paradis au large de Shanghai, naguère peuplé de temples et d’oiseaux rares a aujourd’hui la chance d’abriter le plus grand chantier naval du monde, par la grâce de Chen Liangyu. De même des milliers de vénérables Shanghaiens habitants des défunts shikumen du quartier de Jing’An (ruelles d’habitations basses typiques du vieux Shanghai) expulsés manu-militari de leurs logements pour laisser place aux bulldozers, aux résidences de luxe et aux gratte-ciels d’un goût douteux remercient-ils chaque jour le camarade Chen de ne pas leur avoir accordé les compensations auxquelles ils avaient droit ainsi que d’avoir emprisonné leur avocat sous des motifs plus ou moins farfelus (« propagation du christianisme » remportant la palme du chef d’accusation le plus débile).
Grand ami de la presse libre et ardent régionaliste, le camarade Chen avait récemment ordonné aux journaux de Shanghai d’arrêter de se concentrer sur les prochains JO de Pékin et de diriger plutôt l’attention du public local sur l’exposition universelle qui se tiendra à Shanghai en 2010 (et pour laquelle la bagatelle de 54 000 personnes sont en voie d’expulsion et de relogement).
L’affaire qui a causé sa chute n’est pas moins intéressante : elle concerne le siphonage de plus de 300 millions d’euros du fond de pension des fonctionnaires de la municipalité de Shanghai (20 millions d’habitants) et sa dilapidation dans divers investissements à risque, en particulier dans l’immobilier, pilotés par des hommes d’affaires amis de Chen, au premier rang desquels le brillant Zhang Rongkun, 33 ans, naguère étoile montante du business chinois et aujourd’hui compagnon de cellule de Chen, de même que Wang Zheng, président du groupe immobilier New Huangpu ou encore Qiu Xiahua, honorable directeur du Bureau National des Statistiques accusé d’avoir accepté une enveloppe de 500 000 yuans (soit 50.000 euros) pour maquiller les comptes de la municipalité de Shanghai. Une kyrielle d’autres ronds de cuirs shanghaiens de plus ou moins haute importance ont également été mis sous écrou par les centaines de policiers anti-corruption descendus de Pékin pour l’affaire.
Parmi les révélations faites par le journal hongkongais Dongxiang, on apprend que ce dernier et sa femme détenaient 53 comptes bancaires sous divers pseudonymes, dont 9 en devises étrangères, atteignant une valeur totale de 274,1 millions de yuans (27 millions d’euros). La famille Chen possédait 9 propriétés immobilières ainsi que trois entreprises, ainsi que 25 passeports, dont 17 sous de faux noms. Pour faire bonne mesure, 19 billets d’avion en classe affaires pour l’Europe et l’Australie ont également été retrouvés à leur domicile. Enfin, pour pimenter la sauce, les pandores internes au PC chinois révèlent que l’honnête et bon père de famille camarade Chen entretenait une armée de pas moins de onze maîtresses et concubines. Espérons qu’à défaut d’être regretté par toute la population de Shanghai, Chen Liangyu le sera au moins par ces jeunes femmes.

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