mardi, juin 19, 2007

Mao en feu

Retour de flamme pour le Grand TimonierPlace Tiananmen, un chômeur a partiellement incendié le portrait géant de Mao. Un geste aussitôt effacé.
Par Pascale NIVELLE
QUOTIDIEN Liberation : lundi 14 mai 2007

Dix minutes, c'est le temps qu'il a fallu pour effacer l'inimaginable de la place Tiananmen. Il était 18 h 55, samedi, lorsque de petites flammes ont léché le menton du Grand Timonier dont le portrait géant trône à l'entrée de la Cité interdite. «J'arrivais par hasard en taxi quand j'ai vu les flammes et de la fumée grise à 200 mètres», raconte Alexis, un jeune touriste français. «Le temps d'arriver devant le portrait, l'espace était dégagé et le feu avait été éteint. Le taxi s'est arrêté 300 mètres plus loin, je suis revenu en arrière mais j'ai été bloqué par des dizaines de policiers et de militaires qui faisaient refluer la foule à toute allure. En quatre ou cinq minutes, l'espace avait été dégagé et je n'ai pas pu m'approcher. J'ai alors repris un taxi, mais pendant que nous faisions le tour de la place, une grue est arrivée et des ouvriers ont effacé les traces.» La place est restée bloquée quelque temps, puis tout est presque revenu à la normale.
Le gouvernement et les policiers du commissariat de Tiananmen se sont d'abord refusés à tout commentaire, malgré la présence de plusieurs centaines de personnes, dont de nombreux touristes étrangers, lors de l'incident. Quelques heures plus tard, Chine nouvelle, l'agence de presse officielle chinoise, a déclaré que la police détenait le présumé coupable, qui aurait lancé un engin incendiaire sur l'icône : Gu Haiou, un chômeur de 35 ans, originaire de Urumqi, capitale du Xinjiang, la lointaine province musulmane dans l'ouest de la Chine connue pour ses velléités séparatistes. Selon la presse chinoise, Gu Haiou aurait reçu l'an dernier un traitement dans un hôpital psychiatrique.
Le portrait de Mao a été remplacé par une copie dans la nuit de samedi à dimanche tandis que le périmètre restait placé sous haute surveillance policière. Installé depuis le début des années 50 sur la place Tiananmen, inspiré d'une toile du peintre Zhang Zhenshi, ce tableau de six mètres sur cinq, qui pèse près de deux tonnes, est remplacé chaque 1er octobre ­ jour de la fête nationale chinoise ­ pour être restauré . L'opération prend une heure et demie.
Toucher à Mao coûte cher. En juin 1989, au plus fort des événements de Tiananmen, le journaliste Yu Dongyue avait balancé des oeufs remplis de peinture rouge sur la face présidentielle. Il a fait seize ans de prison par la suite. Depuis 1989, la place Tiananmen reste un endroit sensible, peuplé de centaines de policiers en civil ou pas. Le père de la révolution chinoise, qui repose dans un mausolée actuellement en travaux non loin de là, demeure un symbole intouchable.

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